samedi 27 septembre 2008

La sérénité du Bouddha

Kamakura, 26 septembre 2008.

Il est des villes de pouvoir déchues où, dévêtus de leur rôle temporel, les rites du sacré, immuables, se perpétuent.

Il est lieux révérés que pierres, arbres, et fruits de la terre baignent de leur énergie, quels que soient les hommes et l'esprit de leur temps,

Entre Tokyo et la mer, il y a Kamakura.

Kamakura a cette même aura que possède Sintra ou Grenade, l'air y est doux, la lumière différente.

Depuis sa promulgation au rang de capitale du Japon (la première, en 1192), la ville s'est couverte de sanctuaires et de temples où, face à l'océan, face aux désastres, shintoïsme et bouddhisme se font face, s'allient, se complètent.

Pourrait-on d'imaginer un lieu plus adéquat pour s'initier aux rites shintoïstes que le sanctuaire Tsurugakao Hachimangu, auquel conduit une allée de cerisiers d'un kilomètre de long?
Par l'eau lustrale -sur les mains, sur la bouche-, par le bruit soudain du tambour dans le recueillement devant le saint des saints, je retrouve une religion qui n'a jamais été la mienne.

Plus loin, Kannon aux 11 visages m'apparaît dans toute sa majesté. J'avais déjà parcouru en rêve les jardins de son temple. Je verse de l'eau sur la tête de Jizo. Je pousse le moulin à prière dans les pas de Bouddha. Je carresse le visage de Daikokuten, le premier des sept dieux de la fortune à croiser mon chemin.

Je regarde la mer.

J'entre dans le Daibutsu. Me voici dans le ventre de Bouddha. Il défie le temps, les typhons, les secousses de la terre. Son sourire est grec. Ses yeux mi-clos d'un mètre de haut cachent le secret de sa sérénité.

Il y a le cahotement du tram qui longe la plage, puis la vitesse du monorail suspendu qui traverse la forêt et survole les villages.

Un peu plus loin, j'apprends les techniques de la potterie Heian.

Dans la spirale de glaise de mon tour de potier, je retrouve la sérénité du Bouddha.

jeudi 18 septembre 2008

en vrac *

- Ici le sucre est liquide.

- Ici les grattes-ciels poussent en silence.

- Mais où sont les poubelles?

Sigillographie japonaise

Aujourd'hui, j'ai fait l'acquisition d'un objet marquant symboliquement mon entrée dans la vie quotidienne de l'archipel, un indispensable sésame du système bancaire japonais : le sceau.

Ce petit cachet rond, d'à peine un centimètre de diamètre, qui tient -accompagné de son petit encrier rouge- dans un boîtier à peine plus grand qu'un tube de rouge à lèvres, porte le nom de
inkan [いんかん], et tient lieu de signature au Japon, ainsi que dans d'autres pays d'Asie comme la Corée ou la Chine.

Il représente, en général, les kanji qui composent le nom de son possesseur. Les plus courants sont en vente dans toutes les papeteries, mais ils peuvent être fabriqués sur demande.

Si le sceau est indispensable, il n'est en revanche pas obligatoire que celui-ci reflète le nom de son possesseur. Et si j'ai un instant considéré la possibilité de prendre un patronyme parmi les moins chers -parce que plus courants-, tels que Mizuno ou Tsuno, j'ai finalement opté pour un sceau personnalisé... Après tout, combien de fois a-t-on l'occasion de se faire fabriquer ce genre d'objet?

Le mien est en bois, et représente les sons qui composent "David", à travers trois kanji que l'on pourrait traduire comme suit : "strike (au base-ball)" / "soleil" / "homme". Mon sceau en revient donc poétiquement à me présenter comme "l'homme qui frappe le soleil". Les mêmes sons pouvant être représentés par plusieurs kanji (tout comme les kanji peuvent être lus de différentes manières) il y avait également une autre possibilité qui a beaucoup fait rire la vendeuse : "changer" / "s'il-vous-plaît" / "la porte"...